La libellule qui a éclairé ma vie

Avec mon équipe de « Médecins aux pieds nus » en mission au Bengladesh, nous étions chargés de réaliser des préparations à partir de plantes médicinales pour le compte du docteur Zafrullah Chowdhury[1].

Lors de ce séjour, le jeune Pien, un médecin aux pieds nus belge (formé dans ma faculté libre de médecine naturelle), me téléphone de Calcutta où il dirige une mission dans la banlieue.

Il me signale que Mère Térésa est fortement intéressée par le type de mission que nous réalisons : permettre aux populations du tiers monde de disposer de remèdes naturels à partir de jardins médicinaux.

Avant de regagner Paris, il me reste à me rendre à Calcutta pour rencontrer cette sainte des temps modernes en chair et en os.

J’en profite pour me renseigner sur le parcours de cette religieuse si particulière.

Grâce aux médias, on connaît la vie de cette sainte femme, ses origines albanaises, son engagement dans la congré­gation des Sœurs de Lorette à Calcutta, où elle com­mence par enseigner dans un collège « chic » pour jeunes filles.

Chaque jour, en se rendant dans cette ins­titution irlandaise, elle a le cœur déchiré à la vue des gens qui agonisent dans les rues.

Cette petite religieuse albanaise décide de leur venir en aide.

Après les moribonds et les enfants abandonnés, elle vole au secours d’une autre catégorie de déshérités : les lépreux, reconnaissables à leur visage difforme et à leurs membres mutilés.

On les contourne ; Teresa les embrasse.

Il est temps de rencontrer Mère Teresa, l’indienne.

Je pars aux aurores de Dacca, la capitale du Bengladesh.

Le chauffeur s’est déjà rendu à Calcutta, il met le cap vers l’ancien temple de Kali, la déesse de la mort.

Teresa a fondé la « Maison des mourants » de Kalighat dans l’hôtellerie abandonnée de ce temple.

Ce haut lieu de l’hindouisme bâti près d’un ancien bras du Gange est le sanctuaire le plus fréquenté de Calcutta.

C’est aux abords de ce lieu sacré que la plupart des indigents se rassemblent pour rendre leur dernier souffle avec l’espoir d’être incinérés sur les bûchers du temple.

Jour et nuit, une foule de fidèles grouille à l’intérieur et autour de ses murs gris.

Je n’ai pas prévenu mère Teresa de mon arrivée.

Une novice, apprenant que je suis médecin, fait le nécessaire pour que j’obtienne une « audience ».

Bien que son aura ait fait le tour du monde, cette petite « femme libellule » reste disponible.

Elle se souvient de l’association des « Médecins aux pieds nus ».

L’entretien se fait en anglais. J’ai tant de questions à lui poser, et son temps est pré­cieux.

— Je suis trop contente de vous rencontrer cher docteur ! L’originalité de votre association peut enrichir la mission de mes sœurs .

« Why bare foot doctors ? » me demande-t-elle en préam­bule. Pourquoi avoir appelé vos volontaires « Médecins aux pieds nus » ?

— Parce que les « pieds nus » évoquent un dénuement, une certaine ascèse. Ils évoquent les médecins aux pieds nus chinois.

Teresa sourit et réalise qu’il est possible de tendre un pont entre ses Sœurs de la Charité et nos volontaires.

La connaissance de la sagesse hindoue lui a permis de s’intégrer dans ce tissu social si diversifié.

Je lui demande comment elle garde tant d’enthou­siasme, face à la sempiternelle détresse qui l’environne. Elle me répond, dans la seconde :

« I’m thirsty – j’ai soif du Christ sur la Croix. »

Ce « J’ai soif » devient une invocation et le mot d’ordre de son engagement.

Elle part étancher la soif de Dieu en aidant les plus pauvres des pauvres.

Je réa­lise que j’ai devant moi un grand maître spirituel.

Mère Teresa m’encourage à continuer mon œuvre :

« You’re doing God work – vous accomplissez une œuvre voulue par Dieu.

Dites à vos volontaires qu’ils ont “choisi la meilleure part qui ne leur sera pas ôtée” ».

Cette citation sort tout droit du Nouveau Testament.

J’ai entrevu le pouvoir mystérieux de cette femme…

Tandis que nous échangeons sur les différentes réalisations des nonnes et les projets, trois jeunes novices s’approchent de Mère Teresa, l’une d’entre elle serre dans ses bras un enfant moribond.

Elle pose ses yeux sur l’enfant, comme sur le bien le plus précieux qui soit.

Une clarté rayonnante illumine la scène.

Elle est à genoux, ses mains tien­nent la tête de l’enfant dont on entend plus le souffle.

La maison pourrait s’écrouler sans que cela la perturbe.

Elle câline de l’intérieur ce petit être, recroque­villé contre son corps.

Ce petit être rejeté est ramassé dans ses bras.

Elle respire avec lui, elle est avec lui, intégrale­ment.

Il n’y a pas une parcelle de sa personne qui ne soit pas avec l’enfant à cet instant précis.

L’émotion m’envahit, je me retrouve dans une ambiance jamais éprouvée.

Et pourtant j’ai vécu des situations déstabilisantes à travers la planète.

L’enfant est emporté.

Mère Teresa marque un temps d’arrêt.

Je retrouve ma respiration, j’émerge à peine.

Je ne peux m’empêcher d’évoquer le sublime, le surnaturel et l’impensable.

Mais je dois me ressaisir.

When in Paradise, don’t forget me… Quand vous serez au ciel, ne nous oubliez pas, lui dis-je.

But I haven’t left earth yet… Mais je n’ai pas encore quitté la terre, pour l’instant je vis, je te parle. Seul Dieu décidera pour demain, pour l’Éternité.

Avant de prendre congé, je ne peux m’empêcher de lui poser une dernière question :

— Mais, ma mère, pourquoi votre apostolat s’est-il tourné vers les intouchables, les lépreux, vous auriez pu porter l’Évangile et essayer de gommer les castes ?

— Jean-Pierre ! Que fais-tu de l’urgence ? Peux-tu man­ger, chanter, rire alors que ces rejetés de la société meu­rent à tes pieds ? Si jamais les castes disparaissaient, ce serait l’Inde qui s’effondrerait. J’ai remarqué que tu aimais les références bibliques, je te donne pour la route un petit poème hindou :

« Si tu as deux morceaux de pain

Donnes-en un aux pauvres

Vends l’autre,

Et achète des jacinthes

Pour nourrir ton âme. »

Je ne peux m’empêcher de la prendre dans mes bras, pulsion peu protocolaire.

Je ne devine aucune réprobation, son sourire en témoigne.

Je la quitte en lui donnant une accolade, le baiser de paix et de fraternité.

Mère Teresa n’appartient pas qu’aux chrétiens et ne doit pas être réduite à une image pieuse.

Au-delà des apparences, elle rejoint les grands maîtres spirituels d’Orient et d’Occident, de François d’Assise à Ramana Maharshi, en passant par Jean de la Croix.

De telles rencontres donnent un regain d’espoir et une bouffée d’allégresse.

Le jardin médicinal de Teresa

C’est ainsi que j’entrevois d’autres rencontres avec la Mère.

En premier lieu pour mettre au point un enseignement adapté, auprès des jeunes religieuses.

Je leur achète une collection de livres relatifs aux médecines naturelles.

En attendant, je leur suggère de se rendre auprès de Pien, le volontaire belge, pour qu’elles voient sur place l’originalité de notre approche.

L’enthousiasme est au rendez-vous, Mère Teresa est emballée.

Elle achète un vaste terrain en périphérie en nous réservant une parcelle pour créer le jardin médicinal.

Il reste à obtenir l’accord des pouvoirs publics.

Malheureusement, cette autorisation ne sera jamais obtenue.

Le refus tient probablement aux conséquences du recours aux thérapies naturelles par les 3000 religieuses œuvrant à travers les continents.

Ite missa est. La messe est dite.

Teresa prônait les remèdes naturels, mais Big Pharma aura le dernier mot.

Nous sommes le 5 septembre 1997.

Le Gange coule immobile, comme un miroir, l’eau du cœur de Teresa de Calcutta.

Il se couvre de fleurs et d’un parfum nouveau.

Son flot emportant tout, ridé comme un jour de souffrance, charriant des chuchotements, rappelle à qui l’entend que seul demeure ce qui est !

Le clapotis de ses vagues profondes murmure l’indicible.

Après le départ de Mère Teresa, la succession est déjà en place.

Rappelons que Teresa avait prévu de donner un « outil précieux » à chaque religieuse en mission à travers la planète : à savoir traiter les populations pauvres avec les remèdes de la Nature.

Sachant que les 4/5 de la population mondiale n’ont pas accès à la thérapie occidentale, la stratégie des « médecins aux pieds nus » reste la meilleure alternative.

Malheureusement, mère Teresa étant disparue, il fut intimé à la mère qui lui a succédé l’ordre de privilégier la médecine occidentale.

Big Pharma veillait déjà à la protection de son Pré carré !

Trois mille religieuses se déployant à travers les différents continents pour donner des soins naturels à moindre frais eut été un très mauvais exemple pour les trusts pharmaceutiques.

Ce qu’on continue de vérifier aujourd’hui avec les persécutions que subissent les médecins réfractaires qui osent prescrire les huiles essentielles ou l’Ivermectine.

Il reste à ces courageux confrères à se réfugier dans les catacombes pour se mettre à l’abri.

Je fais souvent référence à l’allégorie.

******

Pour connaitre les missions et la stratégie des médecins aux pieds nus, voici le site : www.médecinsauxpiedsnus.com

[1] Personnage hors du commun ayant contribué à libérer le Bengale oriental en 1971, devenu le Bengladesh.

30 commentaires pour “La libellule qui a éclairé ma vie

  1. je viens de lire votre beau message, mais je veux vous faire remarquer que les personnes ne sont pas “incinérées” cela est réservé aux ordures ménagères, les humains sont “crématisés” terme peu connu des médias mais employé dans les pompes funèbres et les crématorium.
    bon courage pour votre beau travail

  2. Cher Dr Willem,
    C’est tellement rassurant de vous lire, si terre à terre! que je me permets de vous référer à un site de médecins de la lignée siddha-veda fondée par feu le Dr Pankaj Naram. Il a voué sa vie à rendre aux malades leur autonome en leur enseignant comment guérir avec des Home Remedies (disons des remèdes confectionnés à la maison avec des herbes et épices que tous les Indiens ont dans leur cuisine) et des marmaa, points précis à pincer/masser, dont il disait que ce sont des “graines
    qui ouvrent la voie”. Votre récit nous décrit la même approche: permettre au malade d’être acteur de sa guérison puis plus profondément de sa vie. Maintenant comme vous dites que Big Pharma est passé par là et que les sœurs sont obligées de favoriser la Western Medicine, j’ai cette vision pleine d’espoir que vous pourriez collaborer avec les Vaydia Indiens en Europe… et ailleurs…
    Je joins deux liens et espère qu’ils vous donneront envie d’approfondir ce qui précède de manière plus cohérente.
    Merci de me permettre de m’exprimer et merci pour vos lettres que je lis toujours avec grand intérêt.
    Michèle

  3. J’ai eu l’occasion de voir et prier avec Mère Thérésa à Calcuta, au cours d’un voyage. C’est un être exceptionnel qui travaillait dans l’urgence et qui suivait son maître, Jésus. Merci pour le partage.

  4. Bonjour monsieur Willem,
    Le lien que vous donnez dans votre courriel :
    http://www.médecinsauxpiedsnus.com
    conduit vers la mention “Site inaccessible” !
    En recherchant le site, sans mettre l’accent sur le mot “medecins”, l’accès est possible.
    Autre chose plus grave qu’une question d’accent…
    Ayant une connaissance atteinte de la maladie de Lyme diagnostiquée tardivement… je profite de ce courriel pour vous demander s’il y a des soins naturels pour cette maladie.
    Merci infiniment pour votre engagement, Cordialement,
    Françoise Petitdemange

  5. Merci Dr Willem pour ce témoignage que la société actuelle devrait connaître. Cette femme était exceptionnelle. Réponse incompréhensible des autorités pour le jardin des simples !

  6. C’est absolument magnifique ! Infiniment merci pour votre témoignage de grandes beauté et sensibilité. Que Dieu vous garde en paix et vous accompagne toujours. Si la sublime mère Thérèsa est une libellule, vous êtes la colombe de l’Amour et des bonnes nouvelles car ce qui est beau et lumineux résiste à tout, quant aux monstres dévoreurs, le boomerang de leurs actions néfastes ne manquera pas de les atteindre, question de temps. !!!
    Infiniment merci. Vous faites du bien aux corps et aux âmes.

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