Chers amis,
Difficile de faire allusion à ce business titanesque que représente la vaccination.
C’est ainsi que l’on est censuré pour ne pas répandre la peste du doute et du simple questionnement.
« On en est réduit à recourir à des paraphrases pour éviter les mots rattachés à la pandémie, devenus tabous et traqués par des robots » comme le rappelle mon confrère Thierry Schmitz.
Ainsi pour ne pas évoquer le vaccin, il faudrait écrire « V1 » et « V2 » pour le virus.
La censure numérique serait ainsi détournée.
Dans ma lettre d’aujourd’hui, je vous propose de nous éloigner un instant de ce contexte de peur, de suspicion, de censure et de répression, et de partir pour un voyage…en Afrique. (note de l’éditeur : vous allez croiser notre ami le Jean-Pierre Willem en « petite tenue », c’est ça aussi l’aventure !) …
Ma première rencontre avec un « dos argenté »
En 1966, lors de mon service militaire au Rwanda, je vois s’attarder à Ruhengeri, une ville au nord du pays, des Occidentaux qui viennent pour visiter le parc national des Volcans.
Je rencontre, dans cet endroit, des gens mus par des destins et des motivations variées : des aventuriers, des touristes, des personnages hors normes.
J’habite le même hôtel que Diane Fossey, la célèbre ethnologue américaine venue étudier les gorilles des montagnes.
Les six volcans éteints, tout proches, sont les seuls endroits au monde où l’on peut rencontrer les derniers représentants de l’espèce.
Ces grands primates si proches de nous, à la stature majestueuse, sont finalement d’une grande douceur. Ils ont de quoi fasciner.
Un soir de libation dans la grande salle du restaurant, je fanfaronne en prétendant que ces grands singes ne me font pas peur.
Diane me propose alors de l’accompagner et de prendre en charge leur état sanitaire.
L’invitation ne me déplait pas du tout.
Levés tôt, nous partons pour le volcan Visuke.
Nous parvenons à une clairière et, alors que Diane s’est écartée, j’entends un bruit.
Avant de voir quoi que ce soit, je sens une puissante odeur musquée.
La forêt retentit de cris perçants, ponctués de battements rythmés.
Un énorme mâle, un dos argenté, caché derrière un rideau de végétation, jaillit en se frappant la poitrine.
Il déboule de toute sa masse dans ma direction. Je ne peux compter sur Diane qui s’est mise à l’écart.
Son repli a-t-il été intentionnel ?
Je le suppose.
Je n’ai pas le temps de philosopher face à ces deux cents kilos de muscle.
Dans moins de dix secondes, je vais être mis en pièces.
Les recommandations des chercheurs d’or du Gabon me reviennent.
En cas de rencontre de ce type, il faut se fondre dans la nature, chercher à s’intégrer dans l’environnement pour rassurer l’animal.
J’ai le choix entre deux comportements possibles : manger des feuilles en baissant le regard ou uriner debout d’un beau jet rappelant ma condition de primate.
Pas la moindre feuille sous la main.
Le temps de sortir l’organe salvateur et je réalise que mon destin se limite à cette action dérisoire, mais ma peur en présence du monstre me coupe toute envie.
Sans solution de repli, je fais face, les yeux baissés, soumis.
Face à moi, le gorille interrompt brusquement sa course, fait demi-tour pour revenir à la charge avec moins de conviction que la fois précédente.
Son ardeur semble se tarir.
Il a remarqué ma résignation ou ma soumission.
Je cherche Diane du regard, je l’aperçois enfin.
Elle est confinée à trente mètres de moi, pliée en deux par un rire hystérique.
Nul doute, elle avait imaginé ce scénario que je viens de subir.
La scène s’est déroulée conformément à ses attentes. L’incident est clos, la tension est retombée.
Il nous reste à retrouver la famille de « dos argenté ».
Nous rampons dans les fourrés, à la recherche du groupe.
Après avoir crapahuté à travers le feuillage, un alignement de faces noires au cuir tanné nous fixe d’un air surpris et inquisiteur.
Ils reconnaissent Diane, je suis rassuré.
Leurs yeux, sous d’épais sourcils, étincellent tandis qu’ils cherchent à discerner s’ils ont affaire à un ami ou à un intrus, c’est ainsi qu’ils voient souvent des touristes accompagnés d’un guide local.
La plupart des femelles sont concentrées à l’arrière avec leurs petits, tandis que le « dos argenté » et quelques mâles plus jeunes nous toisent en pinçant les lèvres.
De temps en temps, le chef se frappe la poitrine pour continuer à m’intimider.
Le bruit éveille la curiosité d’autres membres du groupe qui s’avancent pour mieux nous percevoir.
Cherchant à attirer mon attention, certains se livrent à une série de démonstrations significatives : bâillements, bris de branches, coups frappés sur la poitrine.
Ils m’observent, l’air railleur, comme s’ils essayaient de jauger l’effet de leurs bravades sur ma personne.
Le rapprochement s’opère peu à peu. Leur curiosité naturelle les incite à sortir des fourrés, à grimper sur les arbres pour mieux nous observer. Les femelles s’approchent enfin, puis les petits.
L’un d’eux esquisse des gestes tellement humains que je dois résister à la tentation de le prendre dans mes bras.
Chacune de nos expéditions sur les flancs des volcans représente des moments de joie et d’émotion particulière.
Après plusieurs expéditions, je commence à me familiariser avec nos cousins, dissemblables de nous par simplement deux petits gènes.
Pourquoi n’ont-ils pas acquis le « gène » de la parole ?
Je cherche à décoder chacune de leurs vocalises dont leur répertoire est infini.
Diane a donné un nom à chaque gorille.
Les premiers sont affublés d’un nom de musicien. Il y a Beethoven, Brahms, Bartok…
Les autres sont « baptisés » selon une particularité physique, un événement ou un comportement typique : Macho, Brasodo, Tiger, Poppy, Ephie, Flossie…
Les gorilles adorent les belles journées ensoleillées et le manifestent en éructant, c’est du moins ce que je suppose.
Ce type de rot est la forme la plus fréquente de communication orale à l’intérieur du groupe.
Cela semble exprimer le contentement.
Quand ces sons sont plus courts, ils signifient une légère réprimande à l’égard des jeunes.
Nous imitons ces bruits pour espérer entrer en contact avec les gorilles cachés dans la forêt.
Nous les informons ainsi de notre présence.
C’est un sentiment unique que de se trouver assis au milieu d’un groupe de gorilles et de chercher à participer à leur chœur.
Ces vocalises saccadées, similaires à celles des porcs quand ils mangent, sont émises par les chefs qui veulent faire cesser une querelle au sein du groupe.
Les femelles les utilisent vis- à-vis d’autres adultes pour désamorcer des conflits naissants, à propos de la nourriture par exemple. Quand un congénère ne veut pas céder le passage, les jeunes poussent également ce genre de grognements.
Parfois, nous tombons sur un autre groupe de gorilles, sans avoir eu le temps de les avertir de notre présence.
Surpris, ils chargent alors, surtout si plusieurs groupes sont proches les uns des autres, s’ils se déplacent dans une zone dangereuse fréquentée par des braconniers ou s’il y a parmi eux un nouveau-né.
Il est compréhensible qu’en de telles circonstances le chef soit obligé de recourir à des comportements défensifs. Les charges de ces animaux sont avant tout des tentatives d’intimidation.
Habituellement ils sont conciliants avec ceux qu’ils connaissent et, quand il s’agit d’inconnus, ils se contentent souvent d’une chiquenaude au passage, sauf si on s’enfuit en courant, ce qui les incite à la poursuite.
La pharmacopée des singes
Après plusieurs visites, j’ai l’impression d’avoir été adopté. Je soigne leurs plaies, enraye leurs diarrhées. Leurs pathologies les plus redoutables sont les affections respiratoires.
Ils éprouvent une sensation agréable lors de la pose de mon stéthoscope à travers leurs poils. Toutefois, je ne leur ai jamais demandé de dire « 33 ».
Les animaux en liberté absorbent tous des plantes dites médicinales pour se guérir.
Comment se peut-il que ces primates perçoivent dans leur environnement les substances toxiques et les évitent ?
Comment sélectionnent-ils les plantes selon leur pathologie ?
Cette automédication est particulièrement flagrante chez ces grands singes.
Dans la forêt africaine, beaucoup de plantes qu’ils consomment, font également partie de la pharmacopée des populations locales. Je m’intéresse aux plantes qu’ils sélectionnent pour se nourrir et éventuellement se soigner.
Diane me confirme qu’ils recourent à cinquante-huit variétés de plantes.
- Les fruits, les feuilles, les pousses, les tiges et les racines constituent l’essentiel de leur alimentation ou pharmacie.
- Leurs plantes herbacées préférées sont le chardon, l’ortie et le céleri sauvage.
- Le gui est une nourriture rare et recherchée qu’ils trouvent en altitude sur les cypéracées, conifères élancés et fuselés.
L’ordonnance du docteur Gorille
Quand ils sont malades, ils savent identifier autour d’eux les plantes susceptibles de soigner leurs maladies :
- l’Acacia nilotica, le Cajanus cajan, l’Adansonia digitata en cas de troubles digestifs ;
- l’Azadirachta indica et le Cochclospermum tinctorium, en cas de fièvres et de crises de paludisme…
- Ils se protègent même contre la malaria en mâchant des feuilles d’un arbre appelé Trichilia rubescens.
La plupart des plantes médicinales alcaloïdes sont désagréables au goût, mais le gorille dépasse sa répulsion vis-à-vis de ces plantes toxiques à forte dose, mais bienfaitrices quand elles sont ingurgitées à petite dose.
Parfois, ils quittent le groupe en quête de plantes plus rares.
Il leur arrive de consommer en guise de protéines des vers de terre, des escargots, la terre et les excréments.
L’éducation médicale des petits
En les observant, nous avons constaté que les femelles éduquent leurs petits à la mastication d’écorces, leur apprennent à rouler des feuilles urticantes dans la bouche ou à avaler des poignées de terre sélectionnée pour se purger des parasites.
Le gorille, comme l’homme, associe spontanément le sucré au plaisir, et rejette spontanément l’amer.
L’homme a tellement de choses à apprendre auprès d’eux. Les guérisseurs africains l’ont compris et utilisent les mêmes plantes que ces gorilles.
Je suis révolté du massacre perpétré à leur encontre par les braconniers du parc protégé. Cet endroit est leur dernier repli.
Il est l’heure pour moi de retourner à la civilisation.
Le regard de l’éthologue
Les gorilles consacrent seulement 3 % de leur temps à des activités sociales et les chimpanzés 25 %. Les comparaisons entre les comportements des humains et ceux des singes sont faussées par des biais d’observation et ne peuvent nous apprendre beaucoup sur nous-mêmes.
En général, les gorilles et les humains ne partagent pas de liens émotionnels. Si l’on souhaite vivre avec un être non-humain qui soit émotionnellement proche des humains, mieux vaut partager sa vie avec un chien qu’avec un gorille.
Les études montrent que les chiens ont une plus grande capacité à comprendre les émotions humaines que les gorilles ou bonobos — alors même que le visage humain se rapproche plus de la face du singe que de la face canine.
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Nous venons de fêter les 100 ans de la naissance de Brassens, je me surprends à fredonner « Gare au gorille ! ». Mais Brassens exagère : le gorille est un animal pacifique, qui déplace des milliers de touristes dans le pays des volcans.
Rien à voir avec les « gorilles du président » ou garde-corps. Il vous reste à chanter avec moi :
Celles-là même qui, naguère,
Le couvaient d‘un œil décidé,
Fuirent, prouvant qu’elles n’avaient guère
De la suite dans les idées ;
D’autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l’homme dans l’étreinte,
Bien des femmes vous le diront !
Gare au gorille !… Georges Brassens, « le Gorille ».
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Portez-vous bien !
Jean-Pierre Willem
Merci pour cette superbe histoire, de plus j’adore tous les singes. Encore merci. Michèle
Merci de partager votre rencontre avec les Gorilles au Rwanda. Moi j’ai raté cette rencontre en 1994. Étant sur place j’avais prévu une visite pour les rencontrer. Heureusement que cette visite à été annulé pour cause des événements terribles qui s’y sont passés. Plusieurs personnes présentes à ce moment y on perdus la vIe. Moi j’ai changé mes plans et suis allées à Monbaza faire un safari et n’ai plus pu retourner à l’hôtel des Milles Collines pour récupérer mes valises.
Merci,merci et encore merci de ce récit merveilleux .Depuis que j ai 7 ans,mon reve est de rencontrer des gorilles,les observer,reve suprème,de les toucher.C est une véritable passion encore présente 57 ans plus tard.J ai admiré Mme Diane Fossey,remarquablement interprétée par l actrice Sigourney Weaver dans ce superbe film “Gorilles dans la brume”.Mme Fossey est enterrée près de ses gorilles qu elle a tant aimé. Je suis belge de Bruxelles,et vu mon métier,je n ai guère eu le temps de réaliser ce reve.
Mais il est temps que je goute à ce reve de toute une vie.Votre newsletters m a fait grand plaisir,vous ignorez à quel point !!!!! très cordialement Mme Haeck
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